Voici un essai sur certaines situations au sein de notre syndicat, ainsi que des pistes de solution. Ce texte est écrit dans le cadre de ma réflexion sur nos modes de fonctionnement, avec la perspective que nous soyons en élections et que j’entrevois la forte possibilité que je sois élu pour le rôle de Président de l’Institut.

Dans un autre texte, je parle du fonctionnement de notre Conseil d’Administration (CA), et de ses problématiques (Le Fonctionnement du Conseil d'Administration (2021)). Ici, j’aimerais élaborer plus ma réflexion sur des solutions possibles et j’aimerais que le prochain Conseil d'Administration considère ces idées.

Ce texte est aussi une longue réponse à la question de comment je procéderai pour régler les problèmes du Conseil d’administration et du Comité exécutif.

Le processus décisionnel

Notre syndicat est une organisation non partisane; nous ne supportons aucun parti politique au Canada. Contrairement à d'autres syndicats fédéraux, nous n’endossons aucun parti, mais informons nos membres des enjeux liés aux plateformes électorales de ces partis. Nous valorisons la prise de décision basée sur des faits concrets, tels que la science et les statistiques.

La réalité au sein de nos rangs est cependant différente. Nous sommes organisés de façon à promouvoir les affiliations en groupes et en régions. Nos prises de décision au niveau de notre Conseil d’administration et dans nos Assemblées générales sont biaisées par les structures qui présentent leurs enjeux et demandent à leurs membres de supporter la position du groupe d’affiliation. À l’AGA, par exemple, les motions sont présentées par des corps constituants, et il est demandé aux membres de soutenir ou rejeter des motions en bloc. Des caucus pré-AGA sont mis en place pour faciliter cette influence politique.

Cette influence apparaît aussi au niveau du Conseil d’Administration. Les directeurs sont influencés par leur exécutif régional et considèrent la position perçue des membres qui les ont élus. À cause de ces considérations, moins de réflexion est donnée sur le bien-fondé du sujet sur la table.

Donc, nous sommes une organisation politique, même si nous ne voulons pas l’admettre. En surface, nous désirons prendre des décisions justes et équitables, mais en réalité, nous sommes biaisés.

Le vote, bénéfique ou divisif ?

Je me questionne aussi sur la pertinence du vote, du « vote démocratique ».

L’ensemble de nos réunions décisionnelles utilise soit le « Code Morin », soit le « Standard Code of Parliamentary Procedures ». Ces deux codes recommandent le vote à la majorité, soit 50 % + 1. C’est un beau mécanisme dit “démocratique” qui permet d’avancer en cas d’impasse. Cependant, le coût humain est que la majorité du temps, il y a des « perdants » qui sont insatisfaits du résultat. Ce n’est pas une façon de fonctionner qui encourage des résultats Gagnants-Gagnants, mais plutôt un système Gagnants et Perdants.

Ce mécanisme encourage la formation de groupes, de partis, pour tenter de forcer les votes dans un sens ou l’autre. Si des membres votants doivent être convaincus de quelque chose, outrepassant les faits, alors cela devient un vote politique.

Les élus représentent qui ?

Comme beaucoup de personnes, je me questionne sur le rôle des membres du Conseil d’administration.

  • Sommes-nous élus pour représenter notre électorat ? L’Institut ne fait que quelques sondages par année. Ces sondages portent sur des questions larges et plus souvent sur la satisfaction vis-à-vis de nos services. Donc, nous ne pouvons pas dire que nos décisions sont basées sur l’opinion ou les désirs des membres. Aucune donnée ne prouve l’argument.

On se plaît à dire que les membres du CA sont en contact avec un nombre important de membres. Les directeurs régionaux sont plus impliqués dans les activités locales et sont possiblement plus proches des membres. Des comités sont aussi en place autour des membres du CA, et il leur est demandé de participer et d’être en contact avec les membres.

La réalité est que les membres du CA sont entourés d’un cercle limité d’activistes qui ne représentent qu’une faible proportion de l’électorat.

Lors de nos élections de cet automne, les candidats ont fait campagne en énumérant de beaux principes et ont fait de belles promesses. Ici encore, ce ne sont pas des faits supportant la prise de décision, mais bien des opinions politiques, intangibles et subjectives. Quand nous regardons les résultats, le nombre de votes que chacun a reçus n’est qu’un faible pourcentage de l’électorat. Que dire de ceux qui ont été élus par acclamation. Je ne peux pas conclure que les élus représentent les membres.

  • Est-ce que les directeurs de région sont élus pour représenter leurs régions au CA ? Ici encore, je n’ai pas entendu parler de sondages régionaux effectués de façon régulière qui permettraient aux directeurs de prendre des décisions alignées avec les membres à chaque réunion du CA. Comme plusieurs sujets au CA sont aussi discutés en huis clos, il serait d’autant plus difficile de sonder les membres. Des expressions telles que “Je connais mes membres” ou “C’est ce que mes membres veulent" sont fréquemment utilisées au CA pour définir le mérite d’une position sur une décision à prendre.

Une école de pensée considère que le rôle de “Directeur régional” est distinct du rôle de “Directeur de la corporation”. Un directeur de la corporation ne devrait pas être influencé par des impératifs liés à sa région, mais devrait se centrer sur les besoins globaux existant au niveau de la corporation avec une vision nationale. Est-ce possible dans ce contexte ?

Qui fait quoi au sein du CA ?

Voici une grosse question.

Quelques lignes dans les Statuts de l’Institut indiquent les responsabilités des administrateurs(-trices) élu(e)s. Une politique existe décrivant un peu plus les rôles et responsabilités des membres du CA. Ces lignes directrices sont très larges et ne vont pas en profondeur. Pour les membres du comité exécutif (Président et Vice-présidents), la politique sur les conditions de travail ainsi que leur entente de service énumèrent quelques fonctions, obligations et pouvoirs supplémentaires.

Depuis quelques années, la présidence émet des lettres de mandat aux membres du CA. Ces lettres servent à formaliser les attentes de la présidence, à distribuer des fonctions spécifiques (dit portfolio) et à guider l’accomplissement de ces fonctions.

Ces documents ne sont pas à jour et ne sont pas ajustés selon l’évolution des besoins, des situations changeantes causées par des situations externes ou internes.

Plusieurs membres et candidats contestent la distribution des tâches effectuée par la présidence, sur la quantité ainsi que sur les pouvoirs associés. On questionne le manque de profondeur de certaines tâches, la non-transparence du travail effectué ainsi que la reddition de comptes et la responsabilisation des fonctions.

Personnellement, je trouve difficile de savoir qui fait quoi, qui devrait faire quoi, qui a fait quoi ?

Il n’y a pas un seul endroit, public, qui permet de voir la distribution des responsabilités, de voir la progression des projets et les accomplissements.

Quoi changer ?

Plusieurs candidats demandent du changement, demandent que le CA change, que nos processus soient changés, que l’on arrête de faire les choses comme avant, que l’on travaille ensemble dans la même direction. Le mot “Change, Changer, Changement” est utilisé 27 fois dans les biographies, accompagné d’appels à l’urgence tels que “L’heure du renouveau a sonné” et “Il y a du travail à faire”. Les propositions concrètes pour améliorer la situation sont limitées, et ne parlent pas de se changer soi-même.

L’Institut a été fondé en 1920 dans un monde totalement différent. Je suis d’accord que nous sommes dus pour un changement de paradigme. Depuis que je suis vice-président, j’examine la situation, j’essaye d’introduire des changements progressivement. Pendant les derniers mois, j’ai réfléchi intensément à comment une organisation sous ma direction pourrait fonctionner, pourrait être modernisée, améliorée.

Nous devons mettre de côté nos préconceptions, et réfléchir sur un nouveau mode de fonctionnement, mieux définir les rôles de chacun, établir de nouvelles procédures, éliminer les divisions et les perdants. Est-ce possible ?

De nouveaux paradigmes à considérer

Je crois que nous devons commencer par définir et documenter qui fait quoi.

  • Les rôles Nous devons mettre de côté les descriptions de tâches et nos politiques, et plutôt nous lancer dans l’élaboration de rôles. Un rôle définit et regroupe une série de fonctions et d’activités qui doivent être effectuées sur une base continue. J’insiste ici sur le terme “continu”, car ils doivent représenter une action continue, et non pas un état ou un livrable. De tels rôles peuvent inclure l’autorité de tout faire pour exécuter ce rôle, mais ils viennent aussi avec des responsabilités et des livrables, permettant plus de transparence et de reddition de comptes. Chaque membre sera responsable de plusieurs rôles.

Les rôles doivent être définis entre nous. Cela permettra d’être tous sur la même longueur d’onde sur les responsabilités associées au rôle. Par la suite, si une tension est ressentie sur quelque chose qui n’est pas fait, ou pas fait adéquatement, ce membre présente la situation lors des réunions d’organisation. Les membres cherchent une solution à la tension, ajustent ou définissent de nouveaux rôles. Si quelque chose ne fonctionne pas, on révise rapidement de façon collaborative et redistribue les rôles et responsabilités si nécessaire. Cette approche collaborative et évolutive permet de s'adapter aux changements et de garantir que chacun est impliqué et engagé dans l'atteinte des objectifs communs.

  • Les procédures Nous devons revoir nos procédures de prise de décision. Le vote majoritaire à 50 % + 1, bien qu’efficace pour briser des impasses, crée trop souvent des divisions. Nous devrions adopter des méthodes de prise de décision par consensus ou au moins par consentement, où une décision est acceptée s'il n'y a pas d'objection majeure. Cette approche réduirait les tensions et favoriserait des décisions plus inclusives et représentatives des opinions variées au sein du conseil.

  • La transparence La transparence est cruciale pour instaurer la confiance. Nous devons établir des mécanismes clairs pour la reddition de comptes. Cela inclut la publication régulière des rapports d'activités, des progrès des projets, et des décisions prises par le CA. Une plateforme accessible à tous les membres pourrait être mise en place pour suivre ces informations et offrir un feedback continu.

  • La formation et l'éducation Être un directeur de la corporation implique des compétences spécifiques. Nous devons offrir une formation continue aux membres du CA pour qu'ils comprennent leurs rôles, les attentes et les meilleures pratiques en matière de gouvernance. Une compréhension approfondie des nuances entre servir la corporation et servir l'électorat est essentielle pour éviter les conflits d'intérêts et assurer des décisions alignées avec les intérêts de l'Institut à long terme.

  • L'inclusion et la représentation Nous devons repenser la représentation au sein du CA. Actuellement, la voix des groupes de négociation est limitée. Il serait bénéfique d'inviter les présidents des groupes à rejoindre le CA en tant qu'observateurs actifs, avec une voie pour inclure progressivement leurs perspectives dans les décisions. De même, la représentation des retraités et des divers groupes d'employeurs doit être considérée pour refléter la diversité de nos membres.

  • Une vision à long terme Enfin, nous devons développer une vision claire et partagée pour l'avenir de notre organisation. Cela inclut des plans à 5, 10 et 20 ans, en tenant compte des défis futurs et des opportunités. Cette vision doit être élaborée de manière collaborative, avec l'implication de tous les niveaux de l'organisation pour garantir qu'elle soit réaliste, ambitieuse et alignée avec les valeurs et les objectifs de l'Institut.

En adoptant ces nouveaux paradigmes, nous pouvons transformer notre organisation pour mieux répondre aux besoins de nos membres, améliorer notre gouvernance, et assurer une prise de décision plus juste, transparente et efficace. C'est un défi ambitieux, mais nécessaire pour évoluer et prospérer dans les décennies à venir.


Références :